Les Comunidades de Castille : guerre civile et restauration de l’ordre monarchique au XVIe siècle


Les Comunidades de Castille (1520-1521) ont marqué durablement l’histoire de l’Espagne et sont jusqu’à nos jours l’objet d’intenses débats historiographiques et politiques, comme en témoignent les célébrations auxquelles a donné lieu récemment la commémoration de leur 500e anniversaire.

Afin de prendre la mesure de toute la complexité de cet épisode de l’histoire qui est pour certains historiens une révolte, pour d’autres une révolution et pour d’autres encore une guerre civile, tout en le replaçant dans le contexte politique, économique et social du royaume de Castille, la période considérée ira au-delà du strict déroulement du conflit entre les comuneros et l’autorité royale. Pour embrasser la généalogie de la révolte, il conviendra de reconstituer la montée des tensions en Castille avant le soulèvement qui éclata à Tolède au lendemain des Cortes réunies à Santiago de Compostela puis à La Coruña, en remontant à la crise ouverte à la mort de la reine Isabelle en 1504, prélude à l’arrivée sur les trônes espagnols de Charles de Habsbourg, petit-fils des Rois Catholiques. De même, on prolongera l’étude au-delà de la période de répression qui suivit l’écrasement des comuneros à Villalar (23 avril 1521) et de la promulgation du « perdón general » de 1522, pour replacer les Comunidades dans la culture politique de la première moitié du XVIe siècle.

Axe 1 – La révolte, ses causes et son développement

Les candidats sont invités à réfléchir à la fois aux éléments déclencheurs du soulèvement et à ses causes plus profondes et structurelles : il s’agira d’évaluer la part du changement dynastique, des décisions – en particulier en matière de fiscalité – prises par le nouveau monarque et son entourage, des préoccupations quant à la place du royaume de Castille dans un empire en formation, mais aussi de prendre la mesure de la montée des tensions au sein des différents secteurs de la société castillane depuis le règne des Rois Catholiques et notamment entre les villes et la couronne, des implications de l’évolution de la monarchie et de
ses institutions, sans oublier les inquiétudes religieuses qui caractérisent l’époque.

On considérera avec attention la géographie, les formes – à l’échelle locale et à celle du royaume – et l’assise sociale du mouvement comunero, depuis l’éclatement des premières violences urbaines jusqu’aux épisodes de révolte anti-seigneuriale dans les campagnes. On s’intéressera aux affrontements armés, aux formes de résistances mais également aux tentatives de négociation à différents niveaux institutionnels ou informels, depuis le déclenchement de la révolte jusqu’à l’imposition de l’ordre monarchique. Enfin, on examinera les conséquences immédiates de la défaite des comuneros tant au pénal qu’au civil (confiscations de biens et de charges, indemnisations pour les dommages causés…), ainsi que ses implications sur une plus longue durée, en particulier sur les structures sociales, les répercussions économiques et l’évolution des gouvernements locaux, municipaux et seigneuriaux.

Axe 2 – Comuneros et realistas

À défaut d’une sociologie exhaustive, urbaine mais aussi rurale, on attendra des candidats qu’ils réfléchissent à la typologie des acteurs de la révolte, hommes et femmes, comuneros et realistas. Outre les chefs de file de l’insurrection et les figures majeures du parti realista, les groupes sociaux qui prirent part au
conflit seront envisagés dans toute leur hétérogénéité : membres de la noblesse (ou plutôt des noblesses), du clergé régulier et séculier (dont le rôle dans le cadrage idéologique de l’insurrection fut important), artisans, notamment dans le domaine du textile où interviennent également les entrepreneurs et les marchands, paysans…. On tiendra compte de la pluralité des manifestations de loyauté au principe monarchique dans le royaume de Castille, et on s’intéressera au rôle de la haute noblesse et autres auxiliaires royaux qui permirent au nouveau monarque d’imposer un certain retour à l’ordre. Pour des raisons diverses, les positionnements individuels évoluèrent, allant parfois jusqu’à la contradiction : l’étude de quelques destins singuliers permettra de saisir la complexité des enjeux.

Axe 3 – Comunidades et culture politique

On s’interrogera en premier lieu sur l’existence d’une pensée politique comunera. La plus grande attention devra ainsi être portée aux possibles fondements idéologiques des Comunidades (à l’héritage de l’humanisme civique, aux notes de républicanisme) et à l’expression d’aspirations de nature diverse dont témoignent les écrits qui ont été conservés – en particulier les capítulos élaborés par la Junta réunie d’abord à Ávila puis à Tordesillas, synthèse d’exigences présentées au monarque dans lesquelles on a pu discerner un véritable projet politique visant à redéfinir les relations entre le roi et le royaume.

On prendra soin d’examiner les termes et les concepts mobilisés par les différents acteurs dans les documents de l’époque, pour légitimer ou disqualifier l’action des comuneros, ainsi que dans l’historiographie. Au-delà de la notion même de « comunidad », on réfléchira sur l’usage de tout un lexique juridico-politique destiné à définir les relations entre gouvernants et gouvernés (pacte, amour réciproque, défense des « libertés » et du « bien commun », droit de résistance, rébellion, sédition ou encore lèse-majesté…). On attend des candidats la maîtrise des concepts politiques et des cadres théoriques dans lesquels se sont inscrits les acteurs impliqués, ainsi qu’une réflexion sur les phénomènes de damnatio memoriae que l’on peut discerner dans les écrits historiographiques de l’époque à propos des Comunidades.


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